JADIS LA PERLE DES ANTILLES

L’enlèvement de 10 personnes, prêtres, religieuses et laïcs haïtiens et français, dimanche 13 Avril 2021, à Port-au-Prince, m’a profondément révolté comme beaucoup de mes frères. Sur les cinq prêtres enlevés ce jour-là, quatre appartiennent à la Société des Prêtres de Saint-Jacques dont je fais partie. C’est une grande émotion pour notre Institut missionnaire, frappé durement dans sa chair. C’est dur et difficile pour moi de voir mon pays dans une situation aussi catastrophique tant du point de vue politique, qu’économique et social.

Le pays s’enfonce chaque jour davantage dans la misère et l’insécurité généralisée. Le pays fait face à la violence aveugle des gangs et des bandes armées qui opèrent en toute impunité, sans être inquiétés. Chaque jour on enregistre des actes d’assassinat, de viol, de kidnapping et demande de rançons. Ces gangs sèment le chaos, la terreur, la mort (même les enfants et les personnes âgées ne sont pas épargnés). C’est un pays qui est vraiment menacé, car les institutions étatiques sont fragilisées par manque de leadership. Les dirigeants sont contestés, ils sont incapables de stabiliser la situation actuelle. Ils ne visent pas le bien commun ni le bien-être du peuple, ils sont plus dans « le faire semblant ». En Haïti, on vit dans l’anarchie complète et totale.

Ce contexte d’insécurité est surtout lié à la corruption qui gangrène l’administration publique. Celle-ci est favorable à un secteur économique qui possède 85% des richesses du pays. C’est une petite élite qui gère les richesses du pays depuis longtemps. Cette élite économique ne favorise pas le peuple. Les gens se sentent abandonnés de tous. Ils sont victimes de l’injustice et des inégalités sociales et économiques. Cela provoque de la violence. Création des gangs armés dans certains bidonvilles qui travaillent pour des secteurs politiques et économiques mafieux.

Au milieu de cette descente aux enfers, l’Eglise veut apporter une parole d’espérance: « Quand ce genre de situation arrive, nous sommes invités à garder notre espérance, parce qu’il n’y pas de mission sans souffrance, il n’y a pas de mission sans croix. Mais quand la croix arrive, à cause de l’impunité, d’une situation d’anarchie où les bandits font loi, nous sommes obligés de lutter, de dénoncer ce genre de situation, parce que si les hommes d’Église, les hommes de Dieu, ne sont pas épargnés, alors personne n’est épargné dans le pays. Un pays qui n’a pas la paix ne peut pas connaître de développement. Mais le grand problème est la faiblesse des institutions. Tant que les institutions sont faibles, nous ne pouvons pas fonctionner dans ce pays », je cite Mgr. Launé Saturné, Arch. Du Cap-Haitien et président de la Conférence épiscopale d’Haïti (CEH).

A mon avis, la situation désastreuse actuelle de mon Pays demande une prise de conscience collective. Tous les acteurs devraient faire leur «mea-culpa» et s’engager au redressement de la situation socio-politique du pays. Que les pays amis ne se comportent plus comme des témoins passifs de ce que nous vivons actuellement en Haïti. Au nom de la fraternité universelle et de la solidarité internationale, la communauté internationale ne doit pas rester passive et laisser Haïti aller à sa perte.

à droite, le Père Michel BRIAND

L’Église doit poursuivre sa mission malgré les problèmes et les difficultés. L’Église doit continuer à semer l’espérance pour des lendemains meilleurs pour Haïti où la foi est primordiale. L’Église ne doit pas et ne devra pas se laisser emporter par le découragement. Déjà c’est Elle qui accompagne une grande partie de la population haïtienne dans le domaine éducatif, de la santé…. Il y a, en Haïti, des religieuses et religieux comme le Père Michel Briand (Prêtre originaire du diocèse Rennes, enlevé par les ravisseurs) qui font un travail de qualité dans l’accompagnement de la population. En Haïti, là où l’Etat est absent même inexistant, l’Eglise assure toujours. Elle assure le relais notamment dans les coins les plus reculés du pays. L’Église soutient l’espérance du peuple par sa mission prophétique et par ses interventions dans le domaine de la charité.

L’enlèvement de ces hommes et femmes d’Eglise, crée un vrai sentiment de révolte dans le cœur de tous les haïtiens. Personnellement, j’ai honte des autorités irresponsables de mon pays d’origine. C’en est trop. Il faut que ces actes inhumains s’arrêtent dans ce pays qui s’appelait autrefois, « la Perle des Antilles ».

Je me suis associé aux chrétiens qui ont crié : ‘NOU BOUKE’(« NOUS EN AVONS MARRE« ) dans les églises du pays, jeudi 15 Avril 2021, pour exprimer leur ‘ras-le-bol‘, pour dire non aux enlèvements. Il faut que quelque chose change en Haïti. Nous rêvons d’une Haïti sans insécurité, sans kidnapping, sans impunité et sans violence où il fait bon vivre sous un ciel toujours ensoleillé.

Je remercie chacun et chacune de vous, ici, en Bretagne qui prie pour Haïti pour qu’elle puisse retrouver sa stabilité, pour que la CORRUPTION s’arrête afin que les haïtiens puissent vivre en paix et dignement.


Merci à vous tous et à vous toutes, mes amis de continuer de prier pour la Société des Prêtres de Saint-Jacques, surtout pour la libération des otages qui sont encore entre les mains des ravisseurs, dont certains ont de grands soucis de santé.

MERCI DE TOUT CŒUR pour vos ferventes prières. Soyez bénis! Union de prières !

Père Joël BERNARD, spsj

 

Voir aussi :

http://www.missionnaires-st-jacques.org/2021/04/26/six-de-nos-freres-et-soeurs-toujours-kidnappes/

*La Société des Prêtres de Saint-Jacques est une Société de vie apostolique de droit pontifical fondée en 1956, issue d’un groupe missionnaire de prêtres bretons, à l’appel du Pape Pie IX, partis évangéliser Haïti vers 1864. Actuellement, les missionnaires de Saint-Jacques sont présents dans quatre pays : Haïti, France, Brésil et Canada. Le fonctionnement de notre Société repose sur ce grand principe : tout prêtre de la Société est missionné pour évangéliser loin de sa terre natale, au sein d’un diocèse de manière stable, sur un long terme. C’est ainsi qu’aujourd’hui de nombreux prêtres de Saint-Jacques haïtiens sont envoyés en France dans plusieurs diocèses comme Rennes, La Rochelles, St-Brieuc, Strasbourg, Marseille, Créteil, dans le Finistère et Vannes pour vivre la Mission du Christ dans son Eglise. La maison générale des Pères de Saint-Jacques se trouve à Saint-Jacques à Guiclan (Landivisiau) dans le Finistère.