La révision des lois de bioéthique entre dans sa dernière phase. Pour une question aussi sérieuse que l’éthique de la vie, il est naturel que tous les groupes d’opinions fassent entendre leurs positions, y compris ceux qui ne sont pas majoritaires . Après les avoir entendus tous, penser, juger et trancher en articulant les convictions éthiques et les visées politiques, ne sera pas un exercice facile.

Il est sain que l’on s’interroge sur l’opportunité de ces futures dispositions, sur la légitimité de cette demande sociale et sur les effets que pourraient provoquer ces changements sur notre société.

Pour cela , il faut savoir ce que contient exactement le projet de lois.

Il ne s’agit ici que du projet de la PMA .

Le texte prévoit d’étendre la PMA ou AMP(assistance médicale à la procréation) aux couples de femmes, et aux femmes seules, et propose que son utilisation soit prise en charge par la Sécurité Sociale. Pour cela, le gouvernement préconise de supprimer le critère médical d’ «infertilité» qui conditionnait jusqu’alors l’accès à cette technique. L’interdiction de recourir à la PMA en cas de décès du père est maintenue.

Pour la filiation, le gouvernement propose de créer un mécanisme établissant une filiation par le biais d’une «déclaration anticipée de volonté» établie avant l’accouchement devant notaire pour les couples de femmes, ou les femmes seules, et qui sera présentée à l’officier d’état civil après l’accouchement. Cette déclaration serait portée en marge de l’acte de naissance de l’enfant.

Le texte prévoit aussi de permettre aux personnes qui seront nées d’un don de gamètes d’accéder à leur majorité à des éléments de connaissances sur leur géniteur, soit des données non identifiantes, soit de son identité si celui-ci l’a souhaité.

Ces nouvelles propositions soulèvent des interrogations sérieuses

Il sera juridiquement légitime de permettre à la technique de produire un enfant sans père ni ascendance paternelle. Cet enfant sera alors dans l’impossibilité légale d’avoir un père !

Le droit peut-il à ce point nier les réalités du corps et du lien charnel ? On ignore d’emblée les dimensions affective, relationnelle et psychique d’un enfant élevé sans père et son droit d’avoir un père.

L‘établissement de la filiation » se fera par une déclaration anticipée de volonté ».Cela permettrait juridiquement de considérer l’enfant comme fils ou fille de deux « parents» , en réalité deux mères, sans distinction, selon le droit, entre la femme qui a porté l’enfant, et l’autre femme qui est le conjoint de cette femme. Si le lien gestationnel ne mérite pas plus de considération, comment ne pas glisser tout naturellement vers la légalisation de la GPA ( Gestation Pour Autrui ) ? Et d’autre part comment l’enfant devenu jeune adulte acceptera ce déguisement juridique de la vérité ?

En instituant une filiation déconnectée de la réalité biologique, le projet de loi entend fonder ce lien sur la volonté des adultes, l’enfant sera soumis à une vérité juridique qui n’aura aucun rapport avec la vérité biologique! Est-ce respecter le droit supérieur de l’enfant? Avec ce projet de loi, la volonté des adultes prime sur le réel du corps et des liens charnels.

Et alors comment résoudre cette contradiction ? Face à cette « volonté » qui se substitue au réel biologique, s’oppose le lien charnel qui veut reprendre ses droits par la quête des origines et le souhait de connaître l’identité du « tiers-donneur ».Les enfants n’auront plus d’égalité de droit puisque les uns pourront connaître leur géniteur tandis que d’autres n’auront pas cette possibilité .

Face à ces interrogations, trois autres considérations ne sont pas à négliger:

Le rôle de la médecine doit-il se restreindre aux questions de santé ou s ‘étendre à des demandes sociétales? Devenus prestataires de services, les médecins auront-ils la possibilité d ‘exercer réellement et librement leur responsabilité ? Pourquoi rembourser les dépenses engendrées, si le critère de la santé n’est plus déterminant ?

Si le désir d’un enfant devient la seule source de notre droit, comment éviter l’eugénisme? Sera-t-il possible longtemps d’encadrer le « projet parental » et d’éviter des dérives?

Dans le nouveau texte tous les stocks de spermes seront détruits. Comment la France pourra-t-elle trouver le sperme suffisant dont la demande augmentera nécessairement en sachant qu’il ne peut pas faire l’objet de commerce selon le droit français ?

La procréation ne doit pas devenir une fabrication. Tout être humain est un mystère, une valeur absolue, un être libre. Notre droit continuera-il à être organisé autour d’une certaine conception de la personne humaine et à reposer sur le respect de sa dignité ?

  • Références:conférence des évêques de France,note rédigée le 18 juillet 2019 sous l’autorité de Mgr d’Ornellas.
  • Bruno Saintôt :  « L’assistance médicale à la procréation » dans la revue  « études »les Essentiels. »

Jean-Pierre Penhoët